Procès des 100 jours : Une victoire en demi teinte?

Ce 20 juin 2020, messieurs Vital Kamerhe Lwa Kanyiginyi Nkingi, Directeur de cabinet du Chef de l’Etat, Samih Jammal patron de SAMIBO SARL et Muhima Ndoole, agent à la Présidence de la République ont été condamnés dans le cadre de malversations financières lors de l’éxécution d’un des pans du Programme des 100 Jours du Président de la république.

Il s’agit particulièrement du projet lié aux constructions de maisons pour des militaires et policiers.

A suivre la clameur populaire, il semble que ce fait constitue la matérialisation de l’Etat de Droit, voulu par le président de la République.

Ayant suivi, comme bon nombre de mes compatriotes, et de nombreux autres, le déroulement de ce procès, j’aurais tendance à y voir le verre à moitié vide.

Un jugement trop prompt est souvent sans justice.

Voltaire

De mes impressions générales

Mon approche n’est pas de juger de la culpabilité ou non des protagonistes. A la limite, c’est le procès de l’appareil judiciaire que je me propose.

L’impression générale que je m’en fais est que ce procès a été précipité. Il fallait livrer un ou des coupables à la population qui ne cessait de décrier, si pas les circonstances cavalières des attributions de marchés, ou encore les retards dans l’exécution des projets.

Des faits troublants

Sans ambages: Les délinquants sont condamnés pour des faits de détournement de quelle somme d’argent? Certains diront, rapidement, que ce n’est pas si important vu qu’ils sont coupables. Mais c’est tout le contraire, au delà des peines de travaux forcés [servitude pénale] s’ajoute des peines financières en rapport avec les montants détournés. Il faut donc bien les définir. Non seulement il pourrait être inférieur, mais il pourrait aussi bien être supérieur.

Pour rappel, on parle souvent de 57 millions de $ (ou 66 millions selon le genèvois)…. mais le flou fait oublier qu’il y avait deux contrats de 57 millions (l’un pour SAMIBO SARL et l’autre pour HUSMAL SARL).

Des responsabilités des diverses institutions étatiques.

On reprocherait, particulièrement à Mr Vital Kamerhe, la violation des lois et procédures en vigueur quant à la passation des marchés publics. Il serait inquiétant d’apprendre qu’un simple Directeur de Cabinet, fusse-t-il du Chef de l’Etat, dispose d’autant de pouvoir dans des affaires impliquants autant d’institutions (de la Direction Générale de Régulation des Marchés Publics, au Gouvernement, à la Banque Centrale, …).

Tout ceci en éludant que tous ces Bwanas se sont exécutés alors qu’il n’existait pas de contrat.

Plus encore, nous avons en mémoire le Chef de l’Etat défendant les procédures engagées, et ce sur des chaines de télévision internationale.

Je pense qu’il aurait été opportun d’examiner, dans le menu détail, le rôle de ces nombreuses structures dans les, désormais établis, détournements. Sauf erreur de ma part, le délit de détournement de deniers publics n’impliquant pas forcément un intérêt personnel…

Des partenaires privés

Par partenaires privés, j’entends SAMIBO SARL, Rawbank ou encore le fournisseur turc.

De prime abord, ma surprise de découvrir, au cours du procès, que pour le bon travail exécuté Mr Jamal a été récompensé par un second contrat du même montant, pour un second projet, cette fois via une autre de ces sociétés HUSMAL… Ok.

Preuve de paiement des fournisseurs

Ensuite, je ne comprends que l’on demande à SAMIBO SARL de prouver avoir payé son fournisseur turc à partir du compte où il a reçu l’argent. Alors que dans le même temps, on ne contredit pas la livraison des produits. Au pire ceci constituerait un conflit entre SAMIBO et son fournisseur et ne lèse en aucun point l’Etat congolais. Qui demanderait à un opérateur minier, par exemple, pourquoi il ne paie pas ses employés, du même compte, que celui où il a reçu les paiements de la vente de ses produits?

Rawbank

Au début de l’affaire, le Directeur Général de la Banque, Thierry Taeymans a été arrêté, ensuite libéré sous conditions, selon la rumeur, des montants faramineux auraient été payés (nous ne parlons pas de dessous de tables) dans ce cadre. Bizarrement, lors du déroulement du procès, aucune mention de cet épisode n’apparaîtra.

Je m’attendais à ce qu’une banque commerciale ayant participé, activement dans un cas de blanchiment [Sinon pourquoi payer], s’en sortirait aussi facilement.

Mon verdict

Un jugement a été rendu en ce jour, dans une affaire ayant lésé la République Démocratique du Congo.

Les condamnés (encore qu’ils gardent leurs droits de recours) sont peut-être (probablement) coupable à divers degrés.

Mais, c’est qui a été dit n’est pas le Droit, encore moins la Justice! Et encore, je me réserve de parler du principe même de ce programme, géré par la Présidence de la République.

Il fallait présenter des coupables au public, c’est fait. Tournons la page.

Il se passera du temps encore avant que la justice des hommes ait fait sa jonction avec la justice.

Victor Hugo